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Le libre-arbitre

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L'on peut déjà fortement augu­rer des remarquables qualités cri­tiques de «Freud a menti! (1) » du Docteur Jean Gautier, lorsqu'une personnalité intellectuelle aussi dis­tinguée que le Doyen LAS VERGNAS, président d'honneur de l'Uni­versité (Sorbonne-Paris III), criti­que et humaniste de réputation in­ternationale, parle de ce livre dans une lettre au Professeur Dommergue en disant qu'il s'agit « d'un mo­nument de compétence, de lucidité et de sagesse » et ajoute qu'il ne pourra « en tirer qu'un éminent profit ». De son côté, le Pr. Louis ROUGIER écrit : « II n'est que de lire ce livre pour en savoir tout l'intérêt. J'ai toujours pensé que ce qui peut être valable dans Freud sous son langage mythologique qui a séduit les pauvres d'esprit, avait été tiré de Charcot et de P. Janet... »


Des avis aussi autorisés n'empê­cheront évidemment pas les salves désespérées des freudiens aux abois subodorant, avec un pincement au cœur que le freudisme sent le sapin et qu'il est temps soit de réagir avec la plus vive ardeur, soit de lâcher du lest. Malheureusement, les arguments vont être bien diffici­les à trouver pour insuffler à ce moribond un sang plus neuf ; d'au­tant plus que la théorie de l'Atta­chement mise en évidence par les recherches de l'éthologiste Harlow sur les singes, aux Etats-Unis, montre que le besoin primitif de l'enfant est le contact physique (chaleur) avec sa mère et non la « pulsion libidinale », assénant ainsi un coup très dur à la théorie freu­dienne.


Il est temps de redonner au li­bre-arbitre toute sa valeur et de montrer — si possible avec des ar­guments scientifiques venant au se­cours des arguments traditionnels de la métaphysique — que le déter­minisme d'un inconscient freudien, mystérieux, magique, impérieux et tyrannique est une blague de fort mauvais goût à laquelle trop d'hom­mes ont cru avec respect. Il faut faire sauter tout cela d'une volée de bois vert et montrer à de trop nombreux crédules séduits sinon naïfs que le libre-arbitre n'existe pas dans la perspective freu­dienne en raison de cette dictature infra-scientifique d'un inconscient omnipotent...et nous savons que gommer le libre-arbitre, c'est tendre vers la vie animale avec tout son déterminisme instinctuel.


L'on peut être, évidemment, sin­gulièrement surpris d'invoquer des considérations endocriniennes — dans la perspective des travaux de Gautier — à propos de cette ques­tion métaphysique qu'est le libre-arbitre. Mais en tant que cette ques­tion relève aussi de la psychologie, elle plonge nécessairement dans no­tre ensemble psycho-physiologique.


Lorsqu'on parle de libre-arbitre, il faut évidemment invoquer la no­tion de liberté. Nous confondrons les notions pour plus de facilité tout en sachant pertinemment que nous ne sommes que relativement libres puisque soumis aux nécessités mul­tiples du réel. La liberté consistera alors à se soumettre volontairement et harmonieusement à ce réel multiple, expression des diverses lois de la vie définies par A. Carrel. Le libre-arbitre est alors le moyen que nous avons d'utiliser cette liberté en faisant que cette soumission ne s'opère pas malgré nous mais avec nous. Il serait, certes, passionnant de philosopher — et cela ne veut pas dire palabrer — sur ces no­tions fondamentales et essentielles qui font qu'un homme est un hom­me et non un animal mais il est temps de devancer les spéculations pour aboutir enfin à des faits.


Lorsqu'on considère ex abrupto les travaux de Gautier sur les glan­des, il semble que nous soyons dé­terminés par des fonctionnements glandulaires qui sont à la base de toute personnalité humaine : nous sommes effectivement ce que sont nos glandes. Mais une vue aussi simpliste, qu'on a pu reprocher à Gautier en raison, parfois, d'un langage inadéquat, marque une in­compréhension totale de la ques­tion.


S'il est exact que l'homme est ce que sont ses fonctionnements glan­dulaires, somatiquement, affectivement, et intellectuellement, il ne s'agit en aucun cas de penser qu'il est pour autant déterminé aveuglé­ment par ses fonctionnements, don­nant ainsi prise au fatalisme et ne valant alors pas beaucoup plus cher que la thèse freudienne. Si le libre-arbitre est fondamentalement pro­blématique dans la thèse freudienne psychanalytique où le désir joue à cache-cache avec le refoulé (dialec­tique du désir) il en est tout autre­ment avec la perspective Gautiérienne des fonctionnements glandu­laires.


En effet, les fonctionnements glan­dulaires, régis par le principe d'équi­libre sont constamment modulés par une glande particulière : la glande interstitielle dont nous avons déjà beaucoup parlé. La révélation de cette puissance fonctionnelle est appelée à bouleverser la connais­sance de l'homme. Ce n'est pas une glande de tendance pour ainsi dire mais de régulation.


L'homme « fonctionne » dès lors qu'il a un corps et des organes fonc­tionnels. Ses idées même émanent entièrement de son caractère, de son tempérament qui sont eux-mêmes la pure émanation des fonc­tionnements glandulaires et ner­veux.


Ses tendances l'inclinent et le di­rigent précisément vers l'objet de ses désirs multiples. L'homme est foncièrement « tendance » s'il peut être aussi « volonté ». Certains ont voulu confondre tendance et volonté car la tendance implique certaines actions qui sont elles-mêmes la mar­que d'une certaine volonté : la vo­lonté d'action. Ce sont encore les fonctions glandulaires qui vont nous montrer l'erreur d'une telle asser­tion. Ce sont ces fonctions glan­dulaires qui permettent de dénoncer toutes les approximations idéatives et les erreurs psychologiques mul­tiples dues à la méconnaissance de l'origine réelle des phénomènes. La volonté est d'une a4tre nature que la tendance. Cette méconnaissance est coriace car il n'est pas habituel ni de bon ton de fonder nos plus hautes fonctions « psychologiques » sur des fonctionnements physiologiques. Cela, dit-on est matérialiste, mais cette assertion est gratuite car superficielle.


Si donc l'homme, comme l'animal, est, d'une part, foncièrement « ten­dance vers » car la vie elle-même est direction continuelle vers les facteurs (soleil, eau, air, terre) qui entretiennent les constantes vitales (température, rythmes, homéostasie, etc.) relevant du neuro-végéta­tif en même temps que de l'émo­tionnel et de l'affectif — aspects plus élaborés du domaine de la tendance — l'homme est aussi li­berté, volonté, dévouement, altruis­me, pensée, réflexion, synthèse et génie.


La notion abstraite qui identifie et englobe ces aspects supérieurs de l'homme n'est pas le mot psy­chisme, ou intellectualité ou cérébralité mais libre-arbitre car ce dernier terme est sous-jacent et com­mun à tous ces aspects tandis qu'il ne l'est pas pour l'aspect affectif ou émotionnel : on ne choisit pas telle ou telle émotion mais on est sous le coup d'une émotion. La notion de libre-arbitre est une notion synthétique car elle caractérise l'hom­me en tant qu'homme.


Il existe donc une opposition es­sentielle en l'homme, qui trouve son explication dans cette opposition de la génitale interstitielle, glande de la volonté et des autres glandes donnant les diverses tendances. On peut dire que l'homme se présente sous deux aspects : l'aspect tendance et l'aspect libre-arbitre.
L'aspect-tendance de l'homme est l'expression des inclinations endo­criniennes complexes dont la thy­roïde, composant avec les autres glandes, joue le rôle principal. L'as­pect-volonté (libre-arbitre), n'est réa­lisable que par des équilibres endo­criniens capables de contrer, de mo­duler, de réfréner, par le biais de la fonction interstitielle, les ten­dances qui empêchent l'homme de se soumettre harmonieusement au réel en l'y soumettant au contraire de façon anarchique, esclave, ... « au gré de ses tendances ».


Nous verrons, dans une prochaine étude, plus en détail quel est le vé­ritable « fonctionnement » du libre-arbitre.

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(1) CEVIC, éd.

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Jean du CHAZAUD La vie claire Avril 1978

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